Jour 3 : La prise de conscience
Par Emmanuelle Kadz, pédiatre.
a. Maman
Le blues, le blues… caprice de mère ou ressenti légitime ?
Réfléchissons-y.
La chute des hormones ? C’est vrai mais ce n’est pas tout.
Voilà trois jours que vous ne dormez plus beaucoup ; vous avez toujours des difficultés à vous asseoir ; votre bébé ressemble à 100 % à son papa selon les dires de votre belle-mère ; vos copines vous rendent visite et ce sont de vraies bombes atomiques, d’ailleurs ce soir elles iront au cinéma !
Les avis et suggestions sur ce que vous devriez faire s’accumulent et vous commencez à vous sentir totalement incompétente. Pire, vous ne vous sentez pas réellement heureuse mais ça c’est inadmissible car vous avez TOUT POUR ETRE HEUREUSE. Flûte à la fin, ce bébé est en bonne santé, il a deux bras et deux jambes, alors pourquoi vous sentez-vous si triste ?
Vous êtes capricieuse voilàààààà.
Non maman, vous êtes juste fatiguée et vous êtes confrontée à un phénomène que vous n’avez plus vécu depuis longtemps, le changement. Cette situation qui vous fait passer du confort de la stabilité à un état de déséquilibre profond. Et cela requiert une période de réadaptation. Depuis quand n’aviez-vous plus vécu de chamboulement majeur? Cela fait bien longtemps, isn’t it ?
Sachez que cet état est transitoire et, généralement, lorsque vous surmonterez cette phase, l’intensité de votre bien-être sera proportionnellement équivalente à ce mal-être passager. C’est mathématique.
Vous êtes en réalité dans un état comparable aux petits enfants, il n’y a pas de juste milieu, vous oscillez régulièrement entre un état de désespoir absolu et de joie extatique…
Je compare souvent cette sensation à ma pratique médicale :
plus jeune, lorsque je vivais une situation clinique nouvelle, que je me trouvais confrontée à une histoire sans précédent, un examen clinique jamais vécu auparavant, je me sentais immédiatement atteinte d’une agitation psychomotrice intense, avec la peur et la sensation d’incompétence pour dynamique principale.
Puis, lorsque la solution était trouvée et le cas résolu, un bonheur intense m’envahissait. Happy end certes, mais avec régulièrement une coronaire en moins.
Depuis quelques années, lorsque je fais face à une situation nouvelle et lorsque je sens cette même agitation m’envahir, je fait appel à mon expérience et réussis à m’autoréguler, car je parviens à me convaincre que la solution viendra et je sais la sensation de bonheur immense que cela me procurera.
Il en va de même pour la maternité. Chaque fois que vous pensez avoir tout compris, un nouvel événement inattendu surviendra, mais ce qui vous aura terrifiée une première fois, vous parviendrez à mieux le gérer la seconde fois. C’est le bonheur d’apprendre, de grandir et de franchir des étapes dans votre construction de mère.
Alors, de grâce, autorisez-vous la faiblesse, la tristesse. Exprimez ce que vous ressentez. Parlez avec une personne de confiance ou, si cela vous convient mieux, avec une personne extérieure à votre milieu.
La « montée de lait » va arriver, tout va devenir plus simple. Vous êtes toute proche de la victoire.
Mettez votre bébé au sein, vous commencerez à constater qu’il déglutit à chaque succion, que la tétée devient réellement plus productive.
Un rythme va progressivement s’installer.
b. Bébé :
En général, le poids se stabilise et les tétées vont devenir durant cette journée plus efficaces en terme de volume absorbé. Néanmoins, le petit pourra connaître quelques inconforts digestifs.
Le jour 3, c’est aussi la possibilité d’apparition de la jaunisse. La peau du bébé commence à prendre une couleur de plus en plus « halée », voire « citronnée ».
On pourra éventuellement réaliser un test sanguin pour doser la bilirubine de votre bébé et vous proposer un traitement par photothérapie si le taux de bilirubine est plus élevé que la norme autorisée.
Il est possible de contrôler plusieurs fois cette valeur entre le jour 3 et le jour de la sortie car parfois celle-ci ne devient pathologique que plus tard (même après la sortie).
La jaunisse est une pathologie très courante chez le nouveau-né et ne prédit en rien une quelconque faiblesse de votre petit.
c. Papa
Vous êtes le garant du bon déroulement des festivités aujourd’hui.
Tout en restant courtois, vous allez faire comprendre aux visiteurs que le moment de partir est venu. Si c’est délicat pour vous, les sages-femmes peuvent mettre un petit mot sur la porte signifiant que maman et bébé doivent se reposer.
C’est la journée difficile, celle où la situation notamment « alimentaire » va se débloquer.
Ne cherchez pas, pendant cette journée vous n’êtes pas obligé de trouver une logique à tout.
Avec la réduction du séjour en maternité, normalement vous vous retrouvez à la maison au troisième jour. Heureusement, une sage femme viendra vous rendre visite à domicile et pourra répondre à toutes les questions qui se seront posées durant votre première nuit en trio.