Allaitement maternel
Par Emmanuelle Kadz, pédiatre.
Le choix d’allaiter vous appartient ce n’est pas le moment de prendre des décisions pour être politiquement correcte.
Il est important de s’informer, d’en parler avant. Mais il est important d’avoir en tête que l’information que vous allez recevoir d’une personne qui a vécu un, voire deux, voire trois allaitements de ses propres enfants, n’a rien à voir avec l’information que vous allez recevoir d’une personne qui a suivi des centaines de femmes durant la mise en route de leur allaitement.
Je ne vous cacherai pas que même les professionnels de la santé sont imprégnés par leur propre vécu de l’allaitement. Mais néanmoins, le fait qu’ils aient suivi des centaines de mamans dans des situations totalement différentes fait d’eux de réels référents pour vous informer au plus juste.
Je ne vais pas vous présenter une thèse sur la physiologie de la lactation, sur les différentes techniques et positions pour allaiter. Tout cela vous l’apprendrez en maternité, le moment venu.
Je ne vais pas non plus vous énumérer tous les avantages qu’il y a à allaiter, ce n’est pas le but de cette intervention.
Je voudrais vous parler de la mise en route de l’allaitement et des différentes étapes par lesquelles il faut passer pour enfin arriver à mettre son bébé au sein tout en lisant un journal ou en racontant des blagues à ses copines.
Oui, parce qu’avant de pouvoir faire tout cela en même temps il y a la mise en route de l’allaitement.
C’est précisément de cette mise en route dont je vais vous parler.
Moi, jeune maman (et pourtant pédiatre), j’ignorais totalement cette période préalable et j’aurais vraiment aimé que l’on m’en parle…avant.
D’ailleurs, beaucoup de femmes ont pensé ce « pourquoi ne me l’a-t-on pas dit avant… ? … »
Je distingue trois phases :
Jour 0 – Jour 3 (J0-J3)
Jour 3 – Jour 21 (J3-J21)
Jour 21 – jusqu’à l’arrêt de l’allaitement.
La phase J 0 – J 3, parfois 4, n’est pas l’allaitement.
Ce que vous allez vivre là, c’est la mise en route de l’allaitement, synonyme régulièrement de « galère » …
Certaines vont mettre leur bébé au sein comme elles mettraient un manteau sur un porte manteau mais ce n’est pas la règle.
Qu’est ce qui rend cette période si délicate ?
Au départ, vous n’avez pas de lait proprement dit dans les seins, vous n’avez qu’une substance qu’on appelle le colostrum.
Ce colostrum a une composition différente du lait maternel et surtout la particularité d’être très peu volumineux.
Le premier jour, vous n’avez que 20 à 30 ml de colostrum.
Donc, lorsqu’un bébé va téter dans les premiers jours de sa vie, il va téter de manière avide pour n’obtenir qu’une ou deux gouttes de ce colostrum et ce après des efforts importants.
Ensuite ce nouveau-né particulièrement alerte dès sa naissance tombe dans un profond sommeil et doit récupérer de ce 100 metres en neuf secondes, réalisé lors de sa naissance
Situation typique dans les premiers jours de la vie : vous arrivez à mettre péniblement votre nouveau-né au sein …. Ça y est, il se met à téter….il tète, tète, tète…, il y a une petite goutte qui arrive enfin … Il se rendort.
Vous concluez donc qu’il est repu. Alors, fière d’avoir réussi à donner votre premier repas vous le recouchez dans son berceau afin qu’il se repose mais cinq minutes après il se réveille alors vous le replacez au sein tant bien que mal il va téter à nouveau, va reprendre deux gouttes et …. Va se rendormir. Alors, vous le remettez dans son berceau, mais il se remet à pleurer, alors vous le reprenez ….etc… etc…
Quand cela se produit dans les premières heures de la vie vous êtes encore aux anges mais quand ça arrive après 48 ou 72 heures sans avoir dormi, avec par dessus le marché, les bons conseils de votre belle-sœur, de votre belle-mère, de votre amie qui sait tout puisqu’elle a elle-même un nourrisson de 2 mois…ça devient beaucoup plus compliqué à gérer avec sérénité !
Régulièrement les nouvelles mères passent par ce stade-là. Sachez que vous n’êtes pas différente d’une autre. Sachez aussi que cette situation est TRANSITOIRE.
Et c’est bien ça le plus important !
Le troisième fait marquant est que vos seins sont mis à rude épreuve. Les mamelons, en général, n’ont pas été habitués à être traités de la sorte. Donc très vite dans ces premiers moments vos mamelons pourront être douloureux, irrités, parfois même crevassés ….
Profitez d’être à l’hôpital pour vous faire aider, guider, conseiller.
Les sages-femmes ont plein de stratagèmes pour vous soulager et pour prévenir l’arrivée de ces crevasses.
Alors vous me direz, dans le fond, si l’on a que quelques gouttes pendant les trois premiers jours, pourquoi systématiquement ne pas donner de complément de lait artificiel ?
La montée laiteuse qui prend la place du colostrum dépend de multiples facteurs dont un, qui est très important : la stimulation du sein par le nouveau-né..
Si le mamelon est trop peu stimulé, cette montée de lait risque d’être retardée. Or , si vous donnez un complément de lait artificiel à un nouveau-né il sera bien entendu repu et s’endormira pendant plusieurs heures. Il ne pourra donc pas stimuler votre mamelon de manière suffisamment régulière et cette montée de lait ne pourra pas se faire.
Bien entendu il y a des contre-indications particulières où l’on donnera un complément de lait artificiel à votre nouveau-né que si, par exemple, sa perte de poids dans les premiers jours est trop importante.
Il existe d’autres raisons et notamment médicales (ex. : diabète) pour donner des compléments de lait artificiel.
Enfin, au troisième ou quatrième jour de la vie, la « montée de lait » se produira et vous allez sentir une sensation plutôt désagréable de gonflement, de tension au niveau des seins.
Vous constaterez lors de la mise au sein que la tétée se déroule de manière tout à fait différente :
A chaque succion, il y aura une déglutition, et chaque succion correspondra à une gorgée de lait que votre bébé avalera. Dès ce moment les choses seront totalement différentes.
Les tétées deviendront réellement productives en terme de « volume ».
Ce n’est pas pour autant que vous pouvez déjà régler votre nouveau-né comme une horloge. Cela n’arrivera que plus tard. Mais ce stade représente déjà une victoire fantastique !!!
Alors certains vous diront de donner un seul sein par tétée, d’autres de donner les deux seins à chaque fois, de le donner 6 fois par jour, de le donner toute la journée, de faire des tétées de 15 minutes, d’autres d’1 heure…. Vous déterminerez vous-même quelles sont la meilleure fréquence, et la durée pour vous et votre petit. Vous n’aurez simplement qu’à vérifier que votre bébé est suffisamment alimenté par la présence régulière de selles et d’urine au niveau de ses langes.
Je ne le répéterai jamais assez : à chaque fois qu’on vous donne une information, sachez qu’il y a peu de science dans ce domaine et que c’est beaucoup de bon sens.Vous êtes une mère unique et votre bébé est unique. La chose qui va faire que ça marche bien entre vous deux ? C’est VOUS, vous êtes la meilleure référence pour le savoir.
Faites-vous confiance c’est le secret.
D’ailleurs, vous êtes formidable !